13 novembre 2007

Des manteaux et des peaux

Quand Jésus est interpelé pour guérir un lépreux (Marc 1, 40), c'est de sa peau qu'il s'agit. Elle était blessée. Guérir veut dire alors : ce qui protège l'être humain, est à nouveau rendu intact et permet l'échange avec l'extérieur.

Quand Jésus chasse l'esprit du possédé de Gérasa (Marc 5, 15), celui-ci est aperçu par les habitants de la région «étant habillé». Une nouvelle contenance l'enveloppe. Il peut adresser la parole aux autres, ainsi protégé.

Les deux personnes guéries sont renvoyées chez eux, sans ménagement. Nous avons assisté au moment décisif où Jésus les redonne à leur vie quotidienne.

Ce qui se passe à partir du chapitre 10 dans l'évangile de Marc, est d'une toute autre nature : Nous assistons à une dépossession. Jésus avait auparavant annoncé, par trois reprises, sa mort ; et la direction suivie est sans ambigüité : il sera dépouillé de sa vie. ... on assiste à une dépossession des enveloppes et protections de ceux qui le suivaient :

Timée, aveugle assis au bord du chemin, rejettera son manteau pour s'approcher de lui ; il est le premier parmi les personnes rétablies par Jésus à le suivre.

Les disciples qui vont aller chercher l'ânon pour entrer à Jérusalem, déposeront leur manteaux sur son dos.

La foule de la ville posera des manteaux par terre à l'entrée de Jésus dans la ville.

Après l'arrestation de Jésus, il reste un jeune homme « n'ayant qu'un drap sur le corps » traduit la tradition. « Une fine étoffe » comme seul vêtement, indique le texte. Les manteaux étant tombés, il ne reste plus qu'une seule couche. En dessous, l'humanité sans protection, nue.

Le jeune homme s'échappe. C'est Jésus qui est amené vers la mort.

12 novembre 2007

10 novembre 2007

Les deux figuiers

Il y a deux évocations du figuier dans l'Évangile de Marc, l'une en Marc 11 et l'autre en Marc 13. Il semble difficile de lire l'histoire du « figuier desséché » en suivant le sens propre tant il semble absurde de vouloir trouver des figues hors saison et de maudire l'arbre pour cette raison (clin d'oeil cependant : nous trouvons aujourd'hui sur les étals quantité de fruits et de légumes hors saison ...). C'est tellement absurde qu'il faut bien convenir que Marc, à nouveau, « brouille les pistes » comme il vient de le faire avec l'épisode dit des rameaux pour nous dissuader de voir en Jésus un authentique roi pour le peuple entier. Voici deux pistes de lecture.

Première lecture : la tradition prophétique
Références : par exemple, Jérémie 5:17, Joël 1:7 etc.
C'est le thème du figuier désseché, mort, qui devient une annonce de déportations, exil, malheurs. Selon cette idée, Jésus annonce que tout ce qui constitue l'environnement usuel sera balayé, comme nous l'indique aussi (un peu plus loin) la « montagne renversée dans la mer » ; rien ne subsistera, ni culture ni temple ni même la population, rien d'autre ne peut tenir que la justice (évoquée à propos des changeurs de monnaie devant le Temple), la foi et la prière (évoquées à propos de la montagne) et le baptême (fin du chapitre 11). Cette « piqure de rappel » vient à point nommé pour nous rappeler que si nous (lecteurs) identifions un peu trop vite Jésus comme « fils », nous risquons d'oublier son rôle prophétique. Et un prophète, par nature, ne respecte pas l'ordre établi, il aime crier les « vérités qui dérangent » ! Reste le détail relatif à la saison, d'où la ...

Deuxième lecture : la filiation édenique
Références : par exemple, Genèse 1:28, Michée 4:4 etc.
Le figuier est évidemment l'un des arbres du Jardin d'Eden, où il représente la fructification perpétuelle (sans parler des feuilles qui peuvent avoir un autre usage), et renvoie au commandement « croissez et multipliez » que l'on n'interprétera pas seulement au plan démographique mais aussi aux plans de la sagesse, de l'étude et de la foi. C'est là que l'anecdote sur la saison prend sa valeur : Jésus reproche au figuier de ne fructifier qu'à date fixe, c'est-à-dire il reproche au peuple de ne prier (sacrifier) qu'à dates fixes - les fêtes de pélerinage, à savoir Pessah (Pâque), Shavouot (Pentecôte) et Souccot (Tabernacles).
Le modèle de la relation à Dieu que Jésus propose apparaît juste après, c'est la prière directe et à tout moment. Et on prie comme il est d'usage depuis Abraham : debout.

Finalement, aucune de ces deux lectures ne parvient à s'imposer. Marc, avec toute la finesse que nous lui connaissons, développe un portrait complexe de Jésus dont aucune facette ne gomme les autres. Respectons cette diversité et savourons le texte, encore ...

07 novembre 2007

Hosanna

[ Reprise d'un billet publié dans notre petit journal, Pâques 2007 ]
Alleluia ! Tous derrière Jésus ! Votez pour la simplicité ! La fraternité au pouvoir ! Dans cent jours l'Esprit nous gouvernera ! Hosanna !...
N'était-il pas temps que le peuple se réveille, et prenne son destin en main ? Ne fallait-il pas que le micro-projet de Jésus et de ses disciples change de dimension, que son message si nouveau soit répandu le plus largement possible ? Ah, il ne manquait pas d'allure cet épisode dit "des Rameaux"... Mais dites-moi, cet enthousiasme du peuple, cette euphorie, cet universalisme est-ce bien le seul message ? Jésus est-il vraiment un roi marchant vers le pouvoir au pas de son âne, bercé de palmes ? Est-ce la couronne de lauriers ou la couronne d'épines que vous attendiez ?
Revenons à Marc 11... où sont les rameaux déjà ? où est le peuple, où sont les disciples ? et finalement, ne pourrait-on dire que Marc nous «cache» des infos pour mieux nous guider vers la personne de Jésus ? Car au fond qui est-il en ce point du récit ? Un illuminé ou un prophète, un sage ou un gourou, un chef de tribu ou un leader politique ? Et ce peuple, est-il une nombreuse foule ou bien une toute petite troupe qui fait du bruit pour se donner du courage ? Et les disciples, sont-ils dans le peuple ou bien opposés au peuple ? Est-il bon d'en décider tout de suite ?