28 mars 2007

Les disciples n'ont pas les mains vides !

Préparer un voyage, prévoir ses bagages, quel casse-tête ! Les disciples n'ont pas ce souci. Et on pourrait presque croire qu'ils y vont les mains vides. Pour la plupart des humains, c'est un peu déconcertant, voire insécurisant.

Mais cela vaut la peine de revoir le déroulé de leur voyage d'un peu plus près. Le groupe du Médoc a bien constaté ce vide apparent, mais également noté les moyens mis en œuvre :
Il y a un appel, comme une commande de passée. Les disciples partent sur un projet précis. ... et Jésus leur donne autorité ...

L'autorité ne pèse pas lourd, serait-on tenté de dire. Mais si : elle a du poids. Elle rend les disciples aptes à leur mandat.

Là où Jésus leur enlève des objets des mains, il les a auparavant muni de ce qu'il faut pour ce voyage : mission précise et autorité sur les esprits impurs.

Jésus donne de l'autorité, pas des pouvoirs




ou encore : avec Jésus, nous ne sommes pas dans un conte de fée.

Avec la propagation des jeux internet, nous sommes habitués d'entendre parler de pouvoirs. On les acquiert, on les perd, on les gagne. Ils s'échangent.

Dans notre groupe de partage, l'idée était d'abord assez répandue que les disciples auraient reçu des pouvoirs, au début du sixième chapitre de Marc. Mais, chose bizarre : À peine reçus … ils les auraient perdus, on ne sait pas comment. Les disciples eux-mêmes continuent d'avoir faim ; ils sont dépassés par l'afflux des foules affamées; ramer contre les vents les épuise. Nous avons vite vu que notre première piste de travail ne tenait pas debout. Les pouvoirs, exit !

Alors, deuxième tour de lecture en finesse :

Nous constations un ordre des évènements où l'appel de Jésus est premier. Ensuite, il donne « autorité ». Nous ne savons pas encore bien ce que c'est. Mais visiblement, l'autorité intervient dans la relation avec quelqu'un. Jésus leur donne autorité sur les esprits impurs. C'est cette relation qu'il installe. Mais face aux questions du monde, les disciples restent bien des disciples, ceux qui ont besoin d'être enseignés. Dans leur bagage de voyage, nous ne trouvons pas de baguette magique.

Je viens de trouver une explication du mot. Je la trouve éclairante. Michel Bertrand dit dans « Évangile et liberté » n° 208

« Autorité vient d'un verbe latine (augere) qui signifie augmenter, faire croître. L'autorité est donc ce qui fait grandir, ce qui amène un 'plus être' ou un 'mieux être'. Elle est ce qui permet à une personne ou à un groupe de devenir toujours plus l'auteur de sa propre vie. ... Ainsi, la véritable autorité est celle qui crée quelque chose de nouveau dans le monde. Initiatrice, innovante, créatrice, l'autorité donne la force des commencements. »

Loin des pouvoirs que l'on peut perdre, les disciples ont reçu un don, celui de l'autorité de chasser les esprits qui divisent.

AK

18 mars 2007

Une invitation

Chers amis,

Le dimanche 25 mars nous ferons un point sur l'activité des « groupes Nicodème », pas à mi-parcours mais plutôt aux deux-tiers … quoique … nous soyons juste parvenus à une charnière importante dans la lecture de l'Évangile de Marc, c'est-à-dire au point où l'épisode galiléen s'achève.

Nous commencerons par un repas partagé – que chacune, chacun apporte un plat, ou une salade, ou un dessert, ou une boisson et nous aurons tout ce qu'il nous faut ! On pourra commencer par confronter nos expériences de groupe, nos découvertes les plus marquantes, et continuer avec quelques projets et peut-être un peu d'approfondissement théologique (et revoir des amis ce qui n'est pas à négliger).

Deux surprises vous attendent, l'une au début du repas l'autre juste après le café ; elles nous aideront dans cette démarche d'appropriation du texte biblique mais chut !

Retrouvons-nous donc dimanche prochain au temple de Mérignac au culte (10h30) ou juste après le culte (12h).

04 mars 2007

Puissance ou non-puissance ?


Le chapitre 6 de l'Évangile de Marc nous met aussi aux prises avec deux épisodes étonnants, que tout apparemment oppose : d'une part les miracles qui ne s'accomplissent pas (Marc 6:3-6) et d'autre part Jésus qui marche sur l'eau (Marc 6:48-52). Surprenant ! Il est alors temps de noter que Marc se distingue des autres Évangélistes par le mot qu'il utilise pour traduire ce que nous appelons « miracle ». Tandis que Luc, Matthieu et Jean utilisent σεμειον (semeion qui veut dire "signe"), Marc utilise δυναμισ (dynamis qui a donné "dynamique" et veut dire "force"). Et de miracle il n'est pas question pour la bonne raison que miracle est d'origine latine (miraculum = chose ou phénomène extraordinaire, prodige).

Comment comprenez-vous cette opposition ou tension, entre force et faiblesse, entre signe et incompréhension, entre pouvoir et non-pouvoir ?

Notez bien, au passage, que la question du pouvoir sur les gens et sur les choses se présente encore dans deux autres passages-clés du chapitre 6 : la multiplication des pains et des poissons d'une part, et la mise à mort de Jean-Baptiste d'autre part.

À suivre !

01 mars 2007

À propos d'Hérode : la signature de l'évangéliste

Il est habituel de considérer les trois Évangiles dits «synoptiques» (Matthieu, Marc et Luc) comme trois expressions différentes d'une même histoire dont la «vérité» se dissimulerait dans les coïncidences entre deux, voire trois de ces écrits, les discordances étant attribuées à la différence d'audience, chacun des évangélistes s'adressant à un public un peu différent. Ce point de vue schématique est en partie vrai mais tend à faire disparaitre la personnalité de l'évangéliste à l'arrière-plan ; en somme, l'auteur dissimulé derrière son œuvre.


Dans le chapitre 6 de Marc nous trouvons cette étonnante histoire de la mort (également dite «décollation») de Jean-Baptiste, que nous pouvons confronter avec les versions de Matthieu et Luc. On sent bien, d'après les diverses interprétations de cette scène que les peintres en ont données, que le récit se met à « bifurquer » en ce point. Le tableau de Gozzoli (peint en 1461) que vous voyez ci-dessus suit de près le récit de Matthieu 14:6-8, où Hérode est dépeint comme un tétrarque cruel pour lequel un serment, même imprudent, a une valeur supérieure à la vie humaine. Ce récit (lisez-le !) établit une nette connexion entre les disciples de Jean et ceux de Jésus.

Rien à voir avec ce que nous montre le Caravage dans ce tableau peint en 1608 et qui nous fait entrer dans la prison où le Baptiste est enchainé (Marc 6:17 et 28). Les deux témoins silencieux permettent de représenter les disciples de Jean sur lesquels Marc laisse planer l'ambiguïté (lire Marc 6:14-16). Aucune théâtralité ici, le récit se suffit à lui-même.
Les récits de Marc et de Luc laissent donc le lecteur dans le doute, le rôle de Jean-Baptiste étant plus une question qu'une affirmation ; c'est sans doute pourquoi les siècles se sont chargés de développer l'imaginaire sur ce récit, en s'appuyant sur d'autres sources historiques. La danse de la fille d'Hérodiade (Salomé d'après l'historien Flavius Josèphe) devient alors un prétexte à la figuration du festin monstrueux par Rubens, ci-dessous.

En fin de compte, c'est notre regard sur la scène qui fait la différence. Comme le petit garçon que Rubens met au premier plan, nous lisons, cherchons à comprendre mais une part nous échappe : que nous apprend cet épisode sur la mission de Jésus ? Pas grand chose, assurément. Peut-être apprenons-nous que, pour Marc, la mission de Jean-Baptiste s'achève plus ou moins sur un échec, au moment même où celle de Jésus prend de l'ampleur.
Ce qui est certain, en revanche, c'est que nous apprenons ici que Matthieu, Marc et Luc ne sont pas interchangeables : pour l'un Hérode est un fourbe, pour l'autre un indécis et pour le troisième un sage doublé d'un faible. Chaque évangéliste a pris soin de « signer » ainsi son texte, afin que nous le recevions comme tel, à la fois historiquement fondé et déjà interprété.