17 octobre 2008

Le livre des Juges, un grand patch-work

Certains se sont employés à décrire d'où proviennent les morceaux utilisés du livre des juges : les noms des localités et des héros en sont des indicateurs et témoins parlants. Samson évoque ainsi le soleil ... et nous nous baladons allègrement à travers les contrées d'Israël.

D'autres lecteurs ont dépeint les formes géométriques que les morceaux du récit forment entre elles : les 12 personnes génèrent un tel motif central. Forts différents par leurs actions, ils sont qualifiés de sauveurs, et parfois de juges. Les temps de répit qu'ils donnent au peuple se structurent par des multiples du chiffre symbolique des 40 ans.

On peut distinguer un repiquage particulier que certains appellent : l'idéologie deutéronomiste ; c'est comme une géométrie régulière, un réseau de fils sous-jacents : « Le peuple trahit Yhwh, celui-ci le livre à ses ennemis, le peuple opprimé crie vers son Dieu, il lui est alors suscité un libérateur ». ... et ainsi de suite (André Myre). Ce leitmotif, en quatre temps, reste toujours valable, bien que le temps s'écoule.

La doublure ? ... ce sont les chapitres qui ouvrent et clôturent le livre ; ils structurent l'ensemble. Les uns les ont qualifiés d'appendices ... mais ne recèlent-ils pas des éléments narratifs qui dynamisent l'ensemble ?

Le livre des « Juges » est tout, sauf un patchwork traditionnel et prévisible ! Il contient quelques éléments qui détonnent : Récits en miniature comme l'histoire d'Aksah ou la femme avec la meule, destins tragiques comme celui de la fille de Jephté, ... les « Femmes fatales, filles rebelles » , comme les appellent Corinne Lanoir, ressemblent à des petites créations originales. Elles contrastent avec les figures géométriques, réguliers, et créent des tensions intéressantes.

Bonne lecture à travers ce vaste assemblage coloré !

12 octobre 2008

Sur la route

Voici à présent la seconde moitié du verset Juges 2:22, que je trouve très inspirante. Je la transcris ici pour plus de facilité (ainsi j'ai les mots sous les yeux) mais ne vous inquiétez pas, le mot-à-mot vient de suite.

השמרים הם את דרך יהוה ללכת בם כאשר שמרו אבותם אם לא

… c'est-à-dire, « Est-ce qu'ils gardent la route du Seigneur pour (y) marcher comme (l')ont gardée leurs pères, ou non ?».

Le texte lui-même prenant la forme interrogative, restons donc sur le mode du questionnement. À quoi ressemble-t-elle, cette route ? Certains traducteurs en font une « voie » assez abstraite, mais ici nous sommes plutôt au niveau de la poussière ! Y voyez-vous une piste dans un désert plutôt plat et caillouteux, ou une sente éparse dans un sous-bois touffu (voire une jungle !), ou encore des choix à faire parmi des bifurcations innombrables, ou encore une à la lueur des étoiles une nuit de nouvelle lune ?

Mais ne serait-ce pas aussi la traversée des villes qui grouillent d'êtres affairés à des tâches innombrables et pas toujours fort compréhensibles ?

Chacune, chacun va comprendre cette « route » à l'aune de sa propre vie, des bifurcations qui s'y produisent, par hasard ou par intention.

Face à chacune de nos routes, ne faut-il pas adopter aussi ce ton interrogatif, la comparant à la route suivie par « nos pères » ?

Clin d'oeil final : derrière la station de Canfranc (sous le Somport, côté aragonais) vous trouverez cet étonnant « paseo de los melancolicos » jouxtant la « piste du col des voleurs ». Décidément, le choix du chemin n'est pas toujours chose facile !

11 octobre 2008

Qui montera pour nous ?

Le livre des Juges commence par cette interrogation formidable, parfois - à tort - traduite en « qui de nous montera … ».

Ce bout de phrase est en fait une citation du discours d'adieu de Moïse (Deut. 30:12), quand Moïse fait voir que la Loi (Torah) n'est pas « accrochée au Ciel » dans l'attente de quelqu'un qui irait là-haut la (com)prendre, mais qu'au contraire elle est tout près de nous pour que nous nous en servions.

Le rédacteur du livre des Juges voit les choses un peu différemment, il détourne la phrase attribuée à Moïse pour en faire une question militaire ou communautaire ; en somme, pour dire « c'est bien gentil ces questions de Loi mais concrètement, là, comment on procède ? ». Un vrai débat, par citations interposées.

Oui, comment faire pour prendre des décisions, quand on est une (petite) communauté ? Est-ce qu'il nous faut un chef, un vrai ? Est-ce que l'initiative individuelle peut suffire ? Est-ce qu'il faut un prêtre pour nous amener la bonne, la vraie parole, ou peut-être un « leader » capable de nous éclairer (sur) le Ciel et la Terre ?

Et si nous avions un chef, serait-ce un responsable politique (celui qui organise les choses concrètement) ou un responsable religieux (celui qui dit ce qu'il faudrait faire mais ne fait rien par lui-même) ?

(ci-dessus, les restes de la route romaine de Jéricho à Jérusalem)