10 novembre 2007

Les deux figuiers

Il y a deux évocations du figuier dans l'Évangile de Marc, l'une en Marc 11 et l'autre en Marc 13. Il semble difficile de lire l'histoire du « figuier desséché » en suivant le sens propre tant il semble absurde de vouloir trouver des figues hors saison et de maudire l'arbre pour cette raison (clin d'oeil cependant : nous trouvons aujourd'hui sur les étals quantité de fruits et de légumes hors saison ...). C'est tellement absurde qu'il faut bien convenir que Marc, à nouveau, « brouille les pistes » comme il vient de le faire avec l'épisode dit des rameaux pour nous dissuader de voir en Jésus un authentique roi pour le peuple entier. Voici deux pistes de lecture.

Première lecture : la tradition prophétique
Références : par exemple, Jérémie 5:17, Joël 1:7 etc.
C'est le thème du figuier désseché, mort, qui devient une annonce de déportations, exil, malheurs. Selon cette idée, Jésus annonce que tout ce qui constitue l'environnement usuel sera balayé, comme nous l'indique aussi (un peu plus loin) la « montagne renversée dans la mer » ; rien ne subsistera, ni culture ni temple ni même la population, rien d'autre ne peut tenir que la justice (évoquée à propos des changeurs de monnaie devant le Temple), la foi et la prière (évoquées à propos de la montagne) et le baptême (fin du chapitre 11). Cette « piqure de rappel » vient à point nommé pour nous rappeler que si nous (lecteurs) identifions un peu trop vite Jésus comme « fils », nous risquons d'oublier son rôle prophétique. Et un prophète, par nature, ne respecte pas l'ordre établi, il aime crier les « vérités qui dérangent » ! Reste le détail relatif à la saison, d'où la ...

Deuxième lecture : la filiation édenique
Références : par exemple, Genèse 1:28, Michée 4:4 etc.
Le figuier est évidemment l'un des arbres du Jardin d'Eden, où il représente la fructification perpétuelle (sans parler des feuilles qui peuvent avoir un autre usage), et renvoie au commandement « croissez et multipliez » que l'on n'interprétera pas seulement au plan démographique mais aussi aux plans de la sagesse, de l'étude et de la foi. C'est là que l'anecdote sur la saison prend sa valeur : Jésus reproche au figuier de ne fructifier qu'à date fixe, c'est-à-dire il reproche au peuple de ne prier (sacrifier) qu'à dates fixes - les fêtes de pélerinage, à savoir Pessah (Pâque), Shavouot (Pentecôte) et Souccot (Tabernacles).
Le modèle de la relation à Dieu que Jésus propose apparaît juste après, c'est la prière directe et à tout moment. Et on prie comme il est d'usage depuis Abraham : debout.

Finalement, aucune de ces deux lectures ne parvient à s'imposer. Marc, avec toute la finesse que nous lui connaissons, développe un portrait complexe de Jésus dont aucune facette ne gomme les autres. Respectons cette diversité et savourons le texte, encore ...

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