28 novembre 2006

Quelle famille pour quel message ?

Les questions que nous posent le texte - et Angelika - sur la « vraie » famille du Christ ne peuvent manquer de faire chercher un peu de généalogie, mais voila ... c'est ailleurs ! Pas de généalogie dans l'Évangile de Marc, et des relations familiales plutôt tendues (3:21). Voyez comment ce peintre flamand (Geertgen, vers 1480) représente l'arbre de Jessé, un désordre invraisemblable avec des personnages qui « flottent ». Les « filiations » que met en place l'Évangile de Marc ne sont-elles pas aussi souples, spatiales, flottantes ?

Si vous voulez retrouver l'origine de l'expression « arbre de Jessé », c'est dans Esaïe 11, et Jessé est le père de David. Et pour voir le tableau de Geertgen en grand, cliquez sur le lien affiché en vert, ne manquez pas les détails.

Des filiations constitutives (Marc 3)

«Tu es mon fils bien-aimé ...en toi j'ai mis tout mon plaisir ...»
«Le fils de l'homme est venu pour sauver ceux qui étaient perdus ...»
«Qui sont ma mère
et mes frères ?»
Dieu parle le premier
en instituant une relation
Ensuite, Jésus inscrit son propre agir dans cette filiation donnée
Jésus fonde une filiation nouvelle et ouverte
  1. Appel, assez personnel, par une voix du ciel
  2. Confirmation par la voix des mauvais ésprits
  1. dans la filiation avec Dieu et
  2. dans la filiation avec l'humanité
  3. en toile de fond ...... la tradition prophétique
  1. dans la suite de Jésus
  2. pas marquée par le biologique, le clan etc.
  3. ouverte à ceux qui veulent s'inscrire dans cette lignée
paroles venant "d'ailleurs"
enseignement "objectif"
un point de vue "familial"
Marc, chapitre 1
Marc, chapitre 2
Marc, chapitre 3

27 novembre 2006

L'acharnement thérapeutique

Comment pourrais-je comprendre les évènements qui m'arrivent ? Pourquoi m'a-t-il choisi ? Je suis comme amputé de mes possibilités !! Cette question révèle une image d'un dieu qui serait à l'origine de tout, tapi dans les starting-blocks.

Quand vous prenez ces interrogations lancinantes et que vous les posez aux personnes des premiers chapitres de l'évangile de Marc, vous pouvez observez comment elles s'y trouvent comme inversées :

L'interpellation de Jésus met ces personnes mutilées dans leur existence, au centre, debout. Le pourquoi devient un « à quoi bon ? » Il met leur vie en mouvement, renouvelée.

  • Le grabataire se lève de sa natte, pardonné. Lui qui était sans parole, la prend pour louer Dieu.
  • L'homme à la main desséchée se lève également. C'est lui qui est au milieu. Il est rétabli dans son intégrité.

Nous ne savons toujours pas pourquoi l'un était couché sur sa natte et l'autre mutilé. Mais ils se tiennent devant nos yeux : Des humains, debout et vivants. Là où nous posions la question du pourquoi (qui est tourné vers le passé) Dieu nous attend, devant nous. Là où nous le cherchions derrière nous, il nous a devancés.

Les deux verbes, guérir et sauver, s'entrelacent dans le développement de cette idée. Sans demander, Jésus s'acharne à guérir.

Irénée, père de l'Église, est souvent cité par cette phrase « La gloire de Dieu est l'homme debout ».

Le IL et le JE

« À toi, je dis, lève-toi ...! dit Jésus au grabataire. À Lévi, fils d'Alphée, il dit « Suis-moi ». Jésus assume son autorité et ses actes. Il parle en « Je ». Jésus ne se dérobe pas ; il met son existence dans la balance. Nous avons vu comment ses interpellations changent la vie des uns et des autres de façon personnelle.

Mais quelques uns ont constaté que Jésus ne parle pas de la même manière quand il est contesté dans son action. Son enseignement, il le donne en troisième personne : « Le fils de l'homme est venu ... », « le marié est là ... ». Cela peut ressembler à une dérobade. La réponse garde un caractère objectif.
Il me semble que Jésus donne ici les clés d'une compréhension de sa venue qui le font sortir d'un face à face direct, qui ouvrent vers une universalité. La controverse immédiate avec ses opposants est dépassée. Le lecteur peut, autant que les contestataires, recueillir la réponse et la faire sienne.
On peut bien voir, comment un enseignement (qui s'inscrit dans du vécu concret) sort ainsi du cadre historique :
  1. Jésus garde une liberté de parole au delà de la contestation.
  2. Le lecteur acquiert une liberté d'adhésion au projet de Dieu.
AK

16 novembre 2006

Le Fils de l'Homme

Qui est donc cet énigmatique « fils de l'homme » ? Depuis quand parle-t-on de lui (même Magritte, ci-contre) ?

Dans les livres les plus anciens de la Bible (les Psaumes) cette expression (au pluriel) désigne le genre humain ; ainsi dans le Psaume 62 :
Oui, vanité, les fils de l'homme! Mensonge, les fils de l'homme !
Dans une balance ils monteraient tous ensemble, plus légers qu'un souffle...

et dans le livre de Job (16:21) :
Puisse-t-il donner à l'homme raison contre Dieu,
Et au fils de l'homme contre ses amis !

C'est dans la littérature prophétique que « le Fils de l'Homme » se met à désigner le messager de Dieu, ici dans Ezéchiel 2:1 :
Il me dit: Fils de l'homme, tiens-toi sur tes pieds, et je te parlerai.

C'est donc, peut-être, en allusion au prophète visionnaire du relèvement d'entre les morts que Jésus emploie cette expression afin d'être compris par ses interlocuteurs ; né d'humain et porteur du message de rédemption.

09 novembre 2006

Les noces

Extrait de la feuille préparée par Angelika pour le mois de novembre :

Les noces pour Marc ? Il se sert de l'image qui lui est donné par la tradition. Mais cela vaut la peine de voir de quelle union il s'agit dans son évocation. Les récits qui précèdent la parole des noces peuvent en donner un aperçu ! Avec qui s'engage Jésus ? C'est un thème majeur du deuxième Testament : Les noces de Cana, La parabole des 10 vierges, les noces de l'agneau ...

Il découle du thème des fiançailles du premier Testament : c'est un temps privilégié de Dieu avec son peuple. Pendant le temps dans le désert ils vivent dans un face à face heureux (souvent évoqué par le prophète Jérémie) . Mais la prophétie va souligner à quel point ces fiançailles vont être rompues par des pactes conclus avec d'autres divinités.

Déjà dans les temps avant la naissance de Jésus, le mariage d'un type nouveau devient une image du renouveau espéré.

Le mariage de deux partenaires implique un certain nombre de questions : Qui sont le mari, la mariée ? En quoi consiste le contrat ? Est-ce ce mariage marque la fin de l'histoire ? ...

L'époux est souvent identifié avec le Messie à venir ; mais qui est la mariée ?
Une réponse possible : Le judaïsme mystique des Hassidim de l'Europe de l'Est a expliqué que c'est Dieu qui s'unira, de nouveau, avec sa moitié féminine : la Shekina. Elle est l'incarnation de Dieu sur la terre. Dans les peintures de Chagall, elle est cette frêle silhouette féminine avec un balluchon, à la recherche d'un lieu où vivrait 10 justes. Et quand Chagall peint des noces, c'est toujours de ces retrouvailles qu'il est question.

Les noces pour Marc ? Il se sert de l'image qui lui est donné par la tradition. Mais cela vaut la peine de voir de quelle union il s'agit dans son évocation. Les récits qui précèdent la parole des noces peuvent en donner un aperçu ! Jésus s'engage avec qui ?

07 novembre 2006

Au commencement étaient les verbes


Quand on arrive au chapitre 2, il semble que tant de choses se soient déjà passées ! Nous avons déjà noté le rythme soutenu du récit, mais que se passe-t-il finalement ? En examinant ce que le Christ fait et pas seulement ce qu'il dit nous pouvons nous faire une petite idée. (Oui ça n'est pas complet… poursuivez !)

FrançaisGrecCommentaires
entrer

sortir
εξηλθον
En « sortant » de la maison (de Pierre sans doute), de la synagogue, Jésus s'expose à la foule, à la mer, à la solitude par rapport au cadre fixé par les murs, de même qu'il va faire « sortir » le peuple de l'impasse de la loi (celle de Moïse contre celle de César).
enseigner


guérir


se leverανιστημι
Ce verbe (qui a donné le prénom Anastase) signifie (dans ce cadre) « se lever », « se relever », et c'est celui que nous trouverons plus loin pour « ressusciter ». Le verset I:35 est une adaptation de Gn 19:27 …

εγειρω
Un autre verbe pour dire la même chose ; c'est le plus commun pour les miracles de guérison ("lève-toi !") comme pour désigner la résurrection du Christ.
prier
προσευχομαι
… et en Gn 19:27 Abraham se « tient debout en faces de l'Eternel », ce qui signifie essentiellement prier (on priait, et on prie encore, debout !)
chasser
εκβαλλω
C'est le sens de « rejeter», « jeter au loin » (comme une balle), « faire sortir » … vers où ?
marcher


manger


prêcher, annoncer
κηρυσσωC'est aussi bien « crier », « lire en public » ou « clamer », comme le héraut qui s'adresse à la foule pour lui communiquer des informations.
parler, dire
επω
Le grec ne distingue pas ces deux verbes, au contraire de l'hébreu.
répondre



Tout un programme !

06 novembre 2006

À propos du jeûne

Petit commentaire tout à fait personnel. J'ai été interpellé par le verset suivant (Marc 2:18):
«Les disciples de Jean et les pharisiens jeûnaient. Ils vinrent dire à Jésus: Pourquoi les disciples de Jean et ceux des pharisiens jeûnent-ils, tandis que tes disciples ne jeûnent point ? »

Quiz : situez les personnages par rapport au tableau ci-dessous !

CatégorieNombre de jours de jeûne
Essénien, zélotePlus de 100
Pharisien perfectionniste (intégriste)10 à 99
Pharisien basique (libéral)4 à 9
Juif hellénisé1 à 3
Grec ou Romain0
Jésus?


Ce verset, qui précède la fameuse histoire du vin nouveau dans de vieilles outres, nous en explique clairement l'allusion. En effet, à l'époque les jeûnes rituels n'étaient pas du tout fréquents, il devait seulement exister au cours de l'année le jeûne de Kippour, celui d'Esther, celui de Guedalia (en rapport avec la destruction du premier temple) et peut-être un autre, donc au plus 4 ou 5 jours de jeûne parmi lesquels le seul vraiment fondamental était celui de Kippour qui correspond à la reconnaissance et à l'expiation des péchés commis envers Dieu au cours de l'année écoulée. Si les disciples de Jean jeûnaient par ascèse ce n'était évidemment pas le cas des pharisiens.

Alors pourquoi nous parle-t-on du jeûne si c'est une pratique religieuse marginale ? Il me semble que le jeûne venait remplacer les sacrifices de réparation que les Galiléens ne pouvaient offrir au Temple de Jérusalem. C'est donc, en arrière-plan, plus la question du péché que celle de l'observance de la Loi qui est posée; et, sur ce point précis, Jésus s'écarte effectivement beaucoup de la tradition hébraïque.