13 février 2007

La lecture de Nicolas sur le chapitre 5

Notons l’idée de construction formelle en chiasme, dissymétrie, ou symétrie inattendue. Trois histoires, trois récits, trois guérisons. Sur le fond, ce Chapitre V est difficile à lire et à entendre. Nous sommes en face d’un déluge de miracles, et d’irrationnel. Une analyse exégétique primaire, sans doute fruste, donne la priorité à l’analyse de la mécanique du miracle, et ce faisant, heurte nos esprits baignés de science et de scepticisme. L’un des grands apports de la libération philosophique de la pensée, c’est de ne pas donner foi à des choses improbables, c’est chercher la preuve irréfutable de toute chose, ne pas se comporter en « béni oui-oui » acceptant sans critique tout ce qui est relaté. Nous avons tous été éduqués, à l’école, dans la promotion d’une approche intellectuelle raisonnée. En faisant la part belle à l’improbable, Marc est exigeant avec le lecteur.

Croire

Marc admet qu’on ne puisse pas croire. D’ailleurs, dans le temps de l’attente messianique, ne pas croire est bien la norme. Ce sont les fous qui croient. C’est le possédé qui reconnaît immédiatement Jésus. Les autres ont du mal à croire. Or, ce sont ceux qui croient qui rencontrent Jésus, ceux qui acceptent sa parole. Dans le récit de l’hémoroïsse, c’est très clair : Jésus fend la foule, est touché, frôlé de toutes parts, mais c’est elle seule qui a eu la force de croire, et qui grâce à cela rencontre la force de Jésus. Elle se cachait, elle avait peur, et la voilà pleine d’une force libératrice.

Rencontre

L’important dans ces trois guérisons ne me semble pas ressortir de la mécanique du miracle, mais de la rencontre entre Jésus et ceux qu’il guérit. Il y a une rencontre avec la personne de Jésus, son être, sa parole, sa nouveauté. L’accent n’est pas mis sur « qu’est-ce qu’il est ? » mais sur « qui est-il ? ». C’est dans la continuité de Marc IV, 41 : « Qui est-il donc celui-là ? ». On peut entrer dans l’analyse de la mécanique du miracle, mais ce n’est pas là le message premier.

Miracles… de la parole et de la foi

Dans l’histoire du possédé et celle de la petite fille du chef de la synagogue (qui sont a priori ceux qui ont le moins vocation à admettre qui est Jésus), le miracle est celui de la parole libératrice. Jésus guérit en parlant, « Jésus lui disait : sors de cet homme » (cas n°1), et « je te le dis, lève-toi » (cas n°2).

Dans l’histoire de l’hémoroïsse, la mécanique est moins claire. Il y a là l’immixtion d’une force qui n’est plus seulement celle de la parole, ou spirituelle, mais physique, corporelle. Marc parle d’une force qui semble physiquement sortie de Jésus après que la femme ait touché ses vêtements. Mais Jésus précise bien à la fin que ce n’est pas la décharge d’énergie qui a guéri, mais la foi seule : « ta foi t’a sauvée, va en paix ». Voir également Matthieu IX, 20 qui élude le transfert d’énergie pour ne retenir que la parole : « confiance, ta foi t’a sauvée ».
Pour la petite fille, il y a aussi un toucher, l’apposition des mains. Mais comme nous l’avons dit, et en parallèle avec l’histoire du lépreux, il s’agit là de considérer que Jésus brise les préjugés, les jugements, la mort, pour montrer la vie. Ce n’est pas un pouvoir thaumaturge, c’est une autorité de parole. Le toucher montre la voie du salut, et la parole guérit.

Légion

Quelle est la nature de l’impureté de l’esprit du possédé ? Il semblerait que ce soit une maladie psychologique fondée sur l’idée de multiplication. Le possédé n’est plus un, mais multiple et dispersé. Et lorsque la parole de Jésus fait sortir la possession, il faut deux mille porcs pour accueillir l’esprit impur qui sort.

Ce récit peut faire penser à la philosophie du grec Empédocle (V°siècle avant J.C) qui a théorisé sur l’idée de l'existence de forces d’amour qui rassemblent, et de forces de haine qui divisent. Il tire la conclusion que l’homme éprouve les forces de rassemblement et les forces de dispersion, dans un grand combat pour le rassemblement.
Toujours est-il qu’avec Jésus, la parole est la clé. Et sur la nature du mal, voir Marc VII, 14 : ce n’est pas quelque chose d’extérieur à l’homme qui, s’emparant de lui, le rend impur, c’est ce qui sort de lui. Et ce qui sort de lui, Jésus le guérit par la parole.
Alors, tendons nos oreilles pour entendre… et ne jugeons pas !

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