18 janvier 2007

De la possession ... ou quand nous sommes hors de nous

Aujourd'hui, nous avons des termes savants pour tenir les mauvais esprits à distance : « pulsion de mort » est un terme marqué par S. Freud. Il était psychiatre et a décrit par ces mots des actions (auto-)destructrices de l'humain.

Mais de nombreuses personnes, pas psychiatres pour un sou, vont parler des pulsions. Il y a la pulsion de manger des fraises lors d'une grossesse ; il y a des pulsions d'achat, surtout lors des soldes et des promotions, les actions pulsionnelles sont légion. Mais elles ne font pas peur. Elles sont compréhensibles, domptées par un langage savant.

Mais en profondeur : observer des personnes qui ont un comportement étrange qui les empêche de vivre en plénitude, cela peut inquiéter. Quand quelqu'un perd la maîtrise de soi, quand il se laisse submerger par des émotions ... Quand une personne est rongée par l'inquiétude, quand elle perd le nord ... ce sont des façons nombreuses pour dire la perte de soi. Et elles peuvent nous faire peur.

Parfois, c'est un moment de fatigue et d'épuisement qui crée ce moment de confusion. Mais parfois, cela perdure. Les proches vont dire : je ne le reconnais plus. Il est comme perdu ...

La possession par les esprits mauvais (dont les évangélistes parlent en toute simplicité) n'est pas loin. La structuration de la personne est mise en danger. Dans certaines maladies que nous nommons aujourd'hui psychotiques, cela est très perceptible. Nous ne savons plus quelle personne nous avons en face de nous. Est-ce possible de voir un être cher se détruire soi-même ? Est-ce imaginable de ne plus pouvoir communiquer avec un proche ?

Dans les récits bibliques, plusieurs traits reviennent :

  • Les esprits mauvais sont des réalités parlantes. Qui d'entre nous ne connaît pas des voix en nous qui disent : « Tu aurais mieux fait ... » ou « Tu n'arriveras jamais ... » ... voix que la psychologie va ranger du coté du « sur-moi ». C'est le défi du moi, de celui que sait dire « Je », de les laisser parler ce qu'il faut. Parfois, elles disent juste. Mais parfois, elles n'ont plus aucun lien avec la réalité. Elles écrasent la personne.

  • Peu importe si ces condamnations viennent de la prime enfance d'un individu, ou si relèvent de son caractère, ou si elles sont perçues comme une malédiction qui viendrait de l'extérieur. Nous observons leur effet destructeur sur la personne. Faire taire ces voix est difficile, parfois presqu'impossible. Avec la meilleure volonté. Être maître chez soi, de soi, ne relève pas toujours de la démarche individuelle. La complicité d'un autre, témoin de la vie, est nécessaire. Il faut affronter les esprits de face pour que le « Je » puisse émerger, même à l'essai, en tâtonnant.

  • Ce sont des êtres proches qui interviennent au profit de personnes « possédées ». Visiblement, Jésus est sensible à la compassion de l'entourage de personnes privées de leur dynamique de vie. Les restituer en tant que personnes autonomes, voire libres, est déterminant dans son action. Après la guérison, elles parlent pour elles-mêmes, existent en elles-mêmes.

  • Le danger représenté par les esprits est réel. Les esprits continuent à parler, là où une personne émerge d'un danger, d'une « possession ». Même chassées, les voix continuent à parler, à distance. Il y a une image que l'on attribue à Martin Luther « Tu ne peux pas empêcher les oiseaux de la tristesse de voleter autour de ta tête. Mais tu peux les empêcher d'y construire leurs nids. » Pour lui, cette liberté d'action vient du fait que Dieu nous a libérés.

Que l'individu a droit à la parole, pour avancer librement dans la vie, est une vision profondément chrétienne. « Donner sa vie à Jésus », comme disent parfois les évangéliques n'est point un projet de soumission muette sous la férule d'un autre. C'est une indication que Jésus défendra notre liberté contre toute voix destructrice. Nous pourrons résister. Nous ne serons pas soumis sous les plaisirs, désirs et pulsions. Nous avons le droit de vivre et aucune obligation de nous détruire, ni nous ni la terre. C'est une liberté de dire « Je » avec la complicité de Dieu. Il est garant de notre liberté.

La possession serait une image surannée ? Peut-être ! Mais une réalité qui nous incite à nous inscrire résolument dans la liberté indiquée par Jésus. Les esprits chassés laissent un vide ? ... à prendre par l'Esprit Saint.

AK

Aucun commentaire: