16 mai 2008

Prier comme acte de résistance (2)

Jean-Sébastien Bach en 1735, à la demande d’un de ses proches, a écrit un livre sur sa famille, où il fait le récit de la vie de son ancêtre Veit Bach. C’était un luthérien qui vivait en Hongrie au XVI°s, parti de son pays pour vivre sa foi en Allemagne en Thuringe, berceau de la Réforme.
Meunier, il avait vendu tous ses biens en Hongrie, et il racheta un moulin en Thuringe. Tandis que les meules broyaient le grain, il jouait de la cithare. Et Jean-Sébastien Bach conclut ce récit en écrivant : « Au moins, mon ancêtre a appris le sens de la mesure ».

Frères et sœurs, nous sommes tous écrasés par le poids des soucis, l’usure de la vie, broyés par la meule de nos angoisses, des difficultés de l’existence. Alors pour garder la mesure dans nos cœurs désordonnés où s’accrochent tant d’émotions, pour permettre aux sédiments de l’être de se reposer loin de l’agitation, pour s’ouvrir à la présence de Dieu, il nous faut en quelque sorte une cithare, la cithare de Veit Bach est ici la figure même de la prière.

Une prière qui ne sert à rien si on se place sous l‘angle de la productivité, sous l‘angle du rendement, sous l’angle de la meule qui écrase. Poser la question à quoi sert la prière revient à demander à quoi sert la musique. Pour Veit Bach, la cithare vibrait à l’essentiel.

Reprenant ce qui a été dit depuis l’évangile de Marc, la prière, c’est aussi ce questionnement sur ma présence au monde, ce travail du silence où j’entends le projet de Dieu pour moi, c’est le lieu privilégié d’une rencontre où je suis appelé à me déplacer ailleurs, à poser des actes, à porter des paroles, à assumer des responsabilités dans ce monde.

Oui, dans ce monde de plus en plus confus où prolifère le rien, où la laideur s’étale partout, où la violence se démultiplie, où nous sommes soi-disant tous connectés mais où dans le même temps, nous assistons à la disparition du principe de « la prééminence de l’autre », dans ce monde où fuir semble être une réponse, et, désespérer, une tentation, la prière est une nécessité vitale…

« Au matin de la nuit noire, Jésus se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert et là, il priait ».

Risquons-nous à un dernier commentaire. Marc précise : Jésus se lève au matin, à la nuit noire. Cette indication de temps rappelle étrangement le récit de la résurrection où les femmes se lèvent elles aussi au matin, à la nuit noire, à la recherche du corps de Jésus. Marc dont l’évangile est le plus architecturé, en rapprochant ces deux récits, a certainement une intention théologique.

Peut-être veut-il nous dire que « Prier » c’est se situer dans un mouvement, une dynamique de résurrection. « Prier » n’a jamais été « fuir » ou « déserter » le monde, mais puiser dans le silence le courage d’être. Prier c’est reconnaître en Christ, « Le Vivant », une force d’arrachement à la nuit de ce monde et une force d’engagement, de proclamation et d’espérance.

Amen.

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