17 mai 2008

Prier comme un acte de résistance (1)

Le pasteur Jean-Pierre Nizet ayant aimablement accepté de nous faire bénéficier de sa prédication du dimanche 13 avril 2008 sur Marc 1, v.14 à 38, nous vous la proposons en deux billets (qu'il vous appartiendra de séparer par un moment musical approprié).


Je voudrais avec vous creuser le premier chapitre de l’évangile de Marc, revivre cette première journée du ministère public de Jésus afin de souligner pour chacun d’entre nous la nécessité de vivre le temps de l’écart et du questionnement sur notre présence au monde.

Penser la prière comme le temps d’un déplacement indispensable, non pour se soustraire au monde mais au contraire pour s’y engager, renouvelé.
« Aussitôt Jésus appela Simon et André, Jacques et Jean…
Aussitôt ils abandonnèrent leurs filets…
Ils pénètrent dans Capharnaüm, le jour du sabbat, aussitôt Jésus entre dans la synagogue et enseigne.
Aussitôt se tient là un homme possédé par un esprit. Jésus le guérit.
Aussitôt, la renommée de Jésus se répand dans la région de Galilée.
Sortant de la synagogue, aussitôt il allèrent dans la maison de Simon et d’André, aussitôt on parle de la belle-mère de Simon à Jésus : il la guérit.
Et le soir venu, il guérit d’autres malades. »

Aussitôt, aussitôt, aussitôt: onze fois l’adverbe grec est utilisé dans ce premier chapitre. Marc nous fait entendre l’urgence d’une proclamation en actes et en paroles. Tout le chapitre est quasiment contenu dans une journée. Cette indication temporelle renforce encore cette notion d’urgence.
Tout se précipite…
Le temps et l’espace, dès ce premier jour, semblent saturés. Et même si Jésus est la plupart du temps sujet de ces « aussitôt », il est comme débordé, submergé…
Submergé par ces demandes incessantes et totalisantes : « la Galilée entière »,« toute la ville », « tous les malades » …
Il est demandé à Jésus de tout comprendre, de tout guérir, de tout maîtriser.

Marc parle peu de la tentation mais nous savons que céder à la tentation, c’est précisément dans l’évangile, échapper aux limites humaines. Jésus, dès le premier jour de son ministère, est comme encerclé par la tentation de la toute puissance.

Dans le même sens, Jésus doit faire face à des confessions de foi bruyantes. Je dis « faire face » car ces confessions de fois prématurées dénaturent le projet de Dieu où seul doit parler le silence de la croix et du tombeau vide.
Comme le dit ma collègue Françoise Pujol, qui commentait ce texte, ces confessions de foi rendent Dieu absent par trop de présence.


Nous comprenons alors les consignes de silence de Jésus. « Sois muselé », « tais-toi », « ne dis rien à personne »… Nous comprenons aussi la nécessité pour Jésus d’un déplacement, d’un éloignement. « Au matin, à la nuit noire, Jésus se leva, sortit et s’en alla dans un lieu désert et là, il priait. »

À la suite des dérives du premier jour, Jésus va se déplacer, se décaler physiquement pour prier. Marc écrit avec concision : « Là, il priait ». En grec, le verbe prier se dit toujours à la forme passive. Prier ne serait pas demander mais se laisser accueillir.
« Ouvre ta bouche et je l’emplirai » dit le psalmiste (Psaume 81).
Le verbe à l’imparfait contient l’idée d’une durée. Loin du temps des saccades, des accélérations, des « aussitôt », loin des mouvements tourmentés, « là, il priait ».
La prière est ici un acte de résistance car il faut de la force pour se lever le matin à la nuit noire, pour sortir, marcher vers un lieu désert, s’écarter.
Arrachement de Jésus et acharnement à le retrouver.
Jésus est comme rattrapé par l’emballement contagieux de la foule.
Le verbe qu’utilise Marc est un « hapax » (mot dont on ne peut relever qu’un exemple à une époque donnée). Littéralement, Simon et les autres poursuivent Jésus. Jésus est littéralement poursuivi, poursuivi par ce « tous te cherchent ».

C’est alors que Jésus fait cette réponse, une réponse qui prend peut-être sa source dans la prière même qu’il vient de vivre : « Allons ailleurs ».

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